« Journalisme » et propagande à La Dépêche du Midi

If the river was whiskey

Futur électeur de Jean-Luc Mélenchon – pour des raisons que j’expliquerai plus tard -, j’ouvre aujourd’hui un article de La Dépêche du Midi à son sujet. On y annonce sa venue à Toulouse fin août. Surprise : cet article est illustré par une photo induisant un sentiment pour le moins négatif :

méldep

Ce procédé de décrédibilisation primaire a déjà été exploité maintes fois par le passé. Pour comparaison objective, voici la photo utilisée le même jour par le site

Voir l’article original 353 mots de plus

Réaction de la CGT aux propos inacceptables du Premier Ministre Manuel Valls

histoireetsociete

Le Premier Ministre vient d’accuser la CGT d’être responsable des violences intervenues en marge de la manifestation nationale du 14 juin, à Paris, contre le projet de loi travail.
La CGT tient à rappeler au Premier Ministre que cette mobilisation, comme les précédentes, n’a pas été organisée par la CGT mais par 7 organisations syndicales de salariés et de jeunesse qui, depuis 4 mois, dans l’unité, demandent le retrait de ce texte régressif.
Quelle est la réalité des faits ?
C’est en marge du cortège de cette manifestation, déposée par les organisations et validée par la Préfecture de police de Paris, que des bandes de casseurs se sont à nouveau livrées à des exactions que la CGT a d’ailleurs condamnées officiellement, une fois de plus, dans son communiqué national.
Le Premier Ministre ne peut ignorer qu’il incombe aux pouvoirs…

Voir l’article original 255 mots de plus

Loi travail : Provocation anti-ouvrière au Sénat

Solidarité Ouvrière

Ce 1er juin, les sénateurs ont intégré des amendements à la loi travail qui renforce encore son caractère anti-ouvrier, allant jusqu’à revenir aux 39 heures ! Raison de plus de se mobiliser toujours plus pour le retrait de la loi travail !

L’Express, 1 juin 2016 :

En commission des affaires sociales, les représentants de la chambre haute ont adopté un amendement qui réinstaure les 39 heures. Ils ont fait d’autres gros aménagements à l’article 2 tant décrié.

« La loi fixe toujours la durée légale du travail à 35 heures par semaine (…) (or) la durée du travail des salariés employés à temps plein en France demeure parmi les plus faibles des pays européens avec une durée annuelle moyenne de 1536 heures contre 1580 heures en Allemagne ou 1637 heures au Royaume-Uni ».

Voir l’article original 422 mots de plus

BON DEPART POUR FLAMBERGE SE REBIFFE

Publié en version papier le 3 novembre 2015 par les éditions EDILIVRE, le bébé compte 370 pages de rebondissements cocasses et d’argot très années 50, tout au long du parcours de combattant d’un FLAMBERGE décidé à venger impitoyablement la mort de son meilleur vieux copain et complice, Dédé la Science. à se distiller sans modération.

 

ET UN POULET ROUENNAIS SAUCE PRUNNEAUX, UN ! (polar, année 54 ROUEN)

Extrait de mon petit dernier. Qu’en pensez-vous ?

 

DECARRADE EN RE MAJEUR

 

 

Se distillant, pépère, des vacances commencées deux semaines plus tôt depuis sa résidence secondaire calvadosienne, posée comme un pied de nez, pile poil sur la limite séparant Villers-sur mer de Blonville-sur-mer, et située à quelques coups de rames seulement de Deauville (haut lieu de la rocaille à bigorneau), FLAMBERGE avait dû rogner sur son temps de Nirvana et revenir en catastrophe dans la capitale normande. Il était rentré en urgence pour avoir au moins le temps de jeter une dernière pelletée de terre rouennaise sur le cercueil en bois verni de son meilleur vieil ami. Non sans l’avoir fait préalablement autopsier par son légiste, avec l’idée à peine saugrenue de lever un léger doute, histoire de savoir s’il n’était pas indirectement visé par ce trépas.

 

Dédé la science était, en effet, un de ses vieux compagnons d’échecs côté jardin et de petites victoires côté enquêtes, arrivant fréquemment en appoint lors de sacs de nœuds rencontrés par le commissaire. Un joyeux drille qui venait pourtant de souffler gaillardement ses soixante-six bougies dans un lupanar de la ville.

Le lascar faisait partie de ce quarteron de personnages débonnaires et plus ou moins hauts en couleur qu’il avait eu la chance de rencontrer et de revoir régulièrement dans ses enquêtes. Des interludes s’avérant incontournables pour égailler les sales quarts d’heure que lui faisait vivre parfois son métier de chien, notamment avec ce genre de spécimen hors norme qu’il côtoyait depuis le milieu des années vingt.

Leur relation professionnelle était tellement emprunte de camaraderie et de respect mutuel  que FLAMBERGE ne put s’empêcher d’écraser sa larme en souvenir de celui avec lequel il n’avait jamais vraiment cessé de rivaliser entre astuces de sioux et coups tordus divers, mais toujours dans le plus strict respect d’une connivence loyale et amicale. Leurs rencontres régulières permirent finalement au commissaire de cerner les zones obscures de cet attachant citoyen, afin de le connaître suffisamment pour l’alpaguer et lui rendre ainsi service en mettant fin à ses escroqueries et perçages de coffres, dans un premier temps.

De par cette aléatoire proximité devenue forcément durable au fil du temps entre ces deux pointures, s’était forgée une belle amitié qui devint indéfectible pour se renforcer d’une belle et tendre complicité. Une de ces estimes faites d’un bois de ceux qui font tout naturellement tomber les doutes réciproques bloquant jusque-là l’accès à des secrets de métier jalousement gardés. Le vieux briscard attitré au rossignol, avait enfin daigné indiquer ses combines dans le détail à son ami, le très respecté et ouvert FLAMBERGE. Tout çà au nom de cette harmonieuse connivence qu’ils avaient instauré à force de clins d’œil massacreurs de quinquets, durant les dix dernières années de leur fructueuse collaboration. Ce pacte fut conclu en tout bien tout honneur, sur la base d’un troc à la loyale entre le flic débonnaire et le «beau pègre » dépité -fait ci-devant chevalier de la Pince-monseigneur au pays de la grinche- fortement mâtiné de donnant-donnant qui se traduisit à la Libération par un serment d’amitié du genre : service rendu contre amnistie.

 

Il en avait mis bien d’autres à l’ombre, et des plus chafouins. De ces perceurs de coffiots oscillant entre le spécialiste jouant les carabins pensifs, maniant doctement le stéthoscope, pour ausculter le cœur du délit l’air pincé, voir le grossier abonné à la dynamite massacreuse de décors ou encore ces autres esbroufeurs du factice pâlot, quand ce n’était pas de ces orfèvres du faux en écriture escroquant le péquin, la veuve et l’orphelin sans remord. Avec Dédé la science c’était différent. Il avait semblé d’entrée de jeu à ce nez creux de FLAMBERGE que cet homme-là ne correspondait pas vraiment à l’image habituelle des figures qu’il rencontrait dans ce métier de faucheux, rêvant surtout de faire le casse du siècle en se souciant bien peu des malheurs de leur prochain. Le Dédé, lui, c’était autre chose, car son manque de cœur à l’ouvrage semblait indiquer qu’il n’y croyait pas.

Il donnait surtout l’impression de détrousser le bourgeois à contrecœur, comme s’il souhaitait se venger de quelque chose ou de quelqu’un par dépit, mais sans trop savoir qui, ni pourquoi. Gâchant même parfois le métier en salopant le travail et en refilant régulièrement la presque totalité des profits de ses larcins aux bonnes œuvres. L’appât du gain importait d’ailleurs peu à ce drôle de Robin des bois qui se suffisait des royalties venant de ses bouquins narrant ses mémoires de crocheteur, sous couvert d’anonymat.

 

Il naquît un beau jour de printemps 1888 et devînt ainsi « provisoirement » l’unique descendant d’un couple de pharmaciens de la petite bourgeoisie rouennaise de la rive droite, avant que sa petite sœur ne vienne au monde sur ordonnance le jour même de ses vingt ans. Cette petite caste rouennaise dont il était issu, était plus collé-montée encore que celle de la rive gauche, souvent jugée par icelle comme étant plus « rustique », pour ne pas dire plus péjorativement paysanne. C’est qu’à cette époque, la ville, c’était surtout la rive droite…

Il était parfait dans le rôle du fils exemplaire et propret dans ses petites affaires des dimanches, traversant la période pré et post pubère sans même avoir à connaître les désagréments boutonneux de la puberté. Bon garçon, voir un peu fayot sur les bords, il avait été tour à tour : enfant de chœur parce que ses parents adoraient les chants grégoriens, puis scout, pour émerveillés qu’ils étaient de l’uniforme de garçonnet, puis enfin Saint-Cyrien parce qu’ils révéraient le bicorne et la maxime inscrite sur le drapeau ESM : « Ils apprennent pour vaincre ».

Encore puceau à vingt-six ans, il avait donc tout naturellement quitté le cocon familial dès sa sortie de COETQUIDAN, aussi neuf que son bel uniforme où il ne manquait, là non plus, pas un seul bouton de guêtres. Cette image d’Epinal guillerette virant parfois même icône qui plastronne, se dirigeait donc en direction d’un hypothétique futur idyllique, porté surtout par sa propre connerie. Le freluquet avançait ravi, droit comme un cierge de Pâques. Il était pétri de certitudes, tant il était certain de son supposé grand savoir. Il se pensait fin prêt pour accomplir son devoir en répondant présent à l’appel de la patrie en danger, pour cause de fringale expansionniste du Kaiser. On n’attendait plus que lui pour commencer ce pince-fesse massacreur dédié au diable rieur des batailles.

Ce milieu petit bourgeois de province l’avait vu partir en 14, en jeune lieutenant dans son bel uniforme bleu horizon et la fleur au fusil, souriant comme dans un film de propagande. Bien qu’immortalisé qu’il devînt par l’appareil photo paternel en forme de cage à moineau qui, lui, ne sort jamais, ce petit cercle ne put néanmoins le reconnaître ni le conserver plus d’un mois auprès de lui à son retour du front en 1918, quand il apparut en capitaine fatigué et bardé de médailles. Pas plus, d’ailleurs, que sa promise de vingt-cinq ans -dont la seule crainte jusqu’alors, avait été d’avoir à fêter Catherinette faute de galipette- qui faillit bien en mourir de chagrin, avant de se consoler néanmoins avec un pâle clerc de notaire (bourré de tics  et éjaculateur précoce de surcroît), tant il avait changé, marqué qu’il fut par les atrocités de la guerre. Notaire dont il se vengera d’ailleurs peu après en fracturant le coffre-fort, le faisant même cocu quelques années plus tard pour, au moins assurer, sa descendance.

Il était tellement désabusé qu’il en avait même caché sa croix de guerre sous son bel uniforme, dans un coffre mis au grenier, comme on cache une tare. Cette haute récompense dont il avait tant rêvé tout jeune et qui fut tout à coup rétrogradée dans son esprit, comme simple breloque à tromper les gogos. Cette distinction suprême pourtant convoitée, dont il hérita en début 1915, pour s’être permis d’aller voler des plans de contre-offensive cachés dans le coffre du QG allemand, l’horripilait désormais. Cette farce de potache qu’il fit en ce début de guerre et qui  valait le peloton d’exécution, il l’avait faite juste avant la grande désillusion, à l’époque où il croyait encore à la nécessité de cette guerre et à la grandeur des batailles. Çà, il en était bel et bien revenu depuis et dans tous les sens du terme, mais alors, dans quel état?

Acharné, lui aussi, du damier et féru d’échiquier, il adorait défier FLAMBERGE dans des duels plutôt homériques confinant parfois au vaudeville pour les nombreux habitués du jardin de l’Hôtel de ville, qui se marraient à entendre leur tirades accompagnant chaque déplacement de pièce. Une sorte de remake permanent de la partie de cartes de Marius, dans la trilogie marseillaise de PAGNOL, sans l’accent du midi, et adaptée aux échecs : « tu me fends la reine ? Je te massacre le fada ! »

Il fallait voir et entendre s’affronter ces deux vieux adversaires d’échecs en combat singulier. Comment imaginer qu’ils avaient pu à un moment de leur vie s’affronter, voir s’observés en chiens de faïence, avant de devenir rapidement deux vieux amis inséparables. Ils étaient devenus tellement complices qu’ils viraient parfois larrons en foire dans une tournée des grands ducs en visitant  la multitude de bistrots de la ville, pour en affiner encore la possible symbiose.

 

 

 

 

 

 

DEDE EN DECUBITUS DORSAL ETERNEL

 

Et voilà que ce brave vieux Dédé avait dévissé subitement son billard en pleine fleur de l’âge, alors que rien n’indiquait la proximité d’un tel départ, une semaine plus tôt. Certes nous sommes tous mortels à chaque seconde, mais il y a parfois des malfaisants qui ne font rien qu’à vous tirer le tapis sous les pieds pour hâter le processus. FLAMBERGE avait même eu l’impression de se retrouver orphelin une seconde fois.

Le médecin de famille avait conclu mécaniquement à un arrêt du cœur, étant donné le pourcentage de mort naturelle survenant dans le département à ce relatif grand âge et pour l’époque. Il conclût donc une fois de plus à la mort naturelle, tandis que FLAMBERGE avait eu, lui, quelques doutes. Ainsi chargea-t-il son propre légiste de pratiquer une autopsie pour le cas où…

Précaution somme toute assez normale venant de la part d’un commissaire voyant son « frère » disparaître subitement sans crier gare.

Comment avait-il pu oser mourir comme çà d’un coup, alors que son ami le commissaire l’avait invité peu avant à venir pêcher avec son jeune neveu, dans son « havre de paix » ? C’était le nom de sa petite villa comptant tout de même cinq chambres, située juste en bordure de plage. Il se rappela tout à coup que son vieux complice lui avait téléphoné un matin comme ils en avaient initialement convenu, mais avec deux jours d’avance sur la date arrêtée. Il voulait savoir s’il pouvait venir lui confier un terrible secret qui, selon lui, ne pouvait pas attendre. Ce brusque changement de protocole et le côté inquiet de Dédé avait étonné FLAMBERGE. Son copain disait avoir fait une de ces vilaines quintes de toux dans la nuit. Toux dont il était coutumier depuis son gazage à Ypres en 1917, mais dont il faillit bien, cette fois en « canner », selon ses propres termes. Cette démarche sentant l’urgence avait laissé comme un goût bizarre dans la bouche du commissaire, quand il apprît sa mort, le lendemain matin même, peu après le coup de téléphone d’un Dédé étrangement pressé de se confier. D’autant qu’il devait bien çà à son vieil ami, dans l’hypothèse qui le taraudait, où un malfaisant aurait eu la vilaine idée de mettre fin à leurs parties d’échecs exaltées, en coupant prématurément le sifflet à ce pauvre Dédé.

 

André, Pierre-Désiré, Eugène de la MIRANDE, alias Dédé la science pour les intimes et ses alter égaux poètes de la langue verte – que Charles, l’oncle de FLAMBERGE avait côtoyé dans les tranchées, en même temps que la vilaine faucheuse qui venait les narguer sur le parapet au quotidien – Dédé, donc, était allongé-là de tout son long, fier comme un pape canonisé, sapé comme un prince sans palais et médaillé tel un général russe mué en étagère à breloques. Paisible, il paraissait plutôt serein dans ce cercueil en chêne où il semblait dormir du sommeil du juste. Il avait bien caché son jeu, le bougre. Cette dépouille impassible, décorée et tirée à quatre épingles portant particule sur blaze à rallonge, n’avait rien à voir avec cette espèce d’anar rigolard attifé en gentleman-farmer qui fuyait les honneurs et les médailles. Il y avait donc eu deux André, un fils de pharmaco bien rangé, sûr de lui et croyant en l’homme autant qu’en l’avenir, avant que la grande guerre ne se charge de lui faire perdre ses illusions et son sourire, et l’autre,  devenu Dédé la science, un homme désabusé, ne croyant plus en rien, ni en personne, depuis ce bain d’horreurs forcé sentant la poudre, la charogne et le sang.

 

Et puis alors: ”Dédé la science”, tu parles d’un sobriquet. Du haut en couleur tout de même! Ce curieux substantif sentant la vapeur d’éprouvette et la tubulure alambiquée, lui venait de ses copains anars, du temps où il s’activait dans le boyau pour rejoindre les tranchées reliant ses copains poilus les uns aux autres. Un surnom pourtant taillé sur mesure tout en déférence, qui servait surtout à reconnaître la noble intelligence de cet ex polytechnicien chargé de gérer leur secrétariat, de leurs secrets, de rabibocher leurs amours ! Un « blazounet » assez peu ordinaire qui ne pouvait venir que d’un lieu ne sortant justement pas de l’ordinaire. Cà pour le coup, ce n’était pas plus neutre que le fameux no man’s land, cette bande de terre n’appartenant à personne et pour laquelle se battaient des hommes  déshumanisés.

Par la suite, certains jaloux du milieu s’étaient même demandé dans quelle cour des miracles il avait bien pu récupérer ce pseudonyme plutôt flambard et un poil tape à l’œil, lui, le jeune godelureau issu d’une famille de la petite bourgeoise de province. Son pedigree en devenir leur faisait plutôt penser à celui d’un futur haut fonctionnaire tout destiné à une de ces belles carrières politiques, militaires ou commerciales pour lesquelles les très hautes écoles l’avaient préparé. C’était pourtant bien là, le seul trophée qu’il entendait garder et porter avec honneur en revenant de l’enfer.

 

Au pied du cercueil en chêne, cette œuvre ciselée comme une porte de confessionnal – bien que Dédé ait pourtant toujours opté pour une boite en sapin comme ses copains poilus, en prétendant que le chêne faisait gland, mais comme ce n’était plus lui qui décidait-  outre la présence attristée de ses neveux et nièces démontrant une supposée affection chagrinée, dument matérialisée par moult saccades, trônait au pied du catafalque, un superbe cadre exhibant la photo d’un jeune homme de vingt et un ans en uniforme et à bicorne. Le cadre était ceint d’un ruban de crêpe noir posé en diagonal sur lequel apparaissait une légende écrite en grosses lettres : « A NOTRE ONCLE BIENAIME », surement pour le cas où on en aurait douté. Au pied de ladite photo, ressortait un gros chiffre datant l’entrée en promotion : PROMOTION 1909 POLYTECHNIQUE ». Dédé la science en jeune et fringué en taupin à bicorne! Cà valait le coup d’œil, déjà à l’époque.

 

 

 

 

 

 

FAUSSE RELIGIEUSE OU VRAIE VEUVE NOIRE ?

 

Le légiste n’avait rien trouvé de bizarre, si ce n’est cette curieuse petite piqûre située entre le gros orteil du pied gauche et son voisin direct en forme de frite recroquevillée. Trace pour le moins suspecte qui n’avait, en principe, rien à y faire. Le résultat complet des analyses n’était pas encore connu et FLAMBERGE n’avait pas attendu pour perquisitionner l’appartement cossu que Dédé la science s’était acheté vingt ans plus tôt, place du Vieux Marché, à quelques dizaines de mètres où avait été dressé le bûcher sur lequel Jeanne d’Arc s’était fait « des cendres » cinq siècles plus tôt.

Finalement, « Môssieu » André, comme on l’appelait dans ce bel immeuble bourgeois et moyenâgeux, depuis les combles jusqu’à la conciergerie, avait conservé un certain goût pour l’ordre et le beau, malgré sa dégaine faisant ressortir son côté débonnaire que lui reprochèrent ses parents, sur un air agacé jusqu’à leur disparition. C’était une sorte de bourgeois bohème avant la lettre. Un marginal qui avait néanmoins veillé à conserver son petit personnel pour pallier aux basses contingences de la vie de célibataire qu’il s’était forgée. En l’occurrence, Madeleine sa femme de ménage, Charles, son valet de chambre et complice, qui n’ignorait rien de ses activités passées et qui lui servait également de chauffeur en toutes circonstances et Huguette, la femme de Charles, faisant office de servante. La maison de Dédé tenait plutôt de la petite pension de famille, tant son petit personnel était devenu sa seule vraie famille après la mort de ses parents.

 

L’érudition de Dédé la science n’était pas usurpée et FLAMBERGE connaissait déjà bien la très éclectique bibliothèque de cette sommité qu’il venait souvent visiter en ami. Ses connaissances d’expert avaient été très précieuses au commissaire, et il n’était pas rare qu’il vienne consulter ladite bibliothèque du sieur (qui comptait également une partie laboratoire), autant que pour prendre en compte les précieux conseils de son ami. Ce spécialiste du décodage, qui l’avait aussi aidé dans l’affaire de la mère Michel pour le déchiffrage d’un plan, était devenu à FLAMBERGE, ce que le docteur WATSON était à SHERLOCK HOLMES, son homme miroir, son complément d’objection plus ou moins directe. Avait-on justement voulu le priver de cette collaboration plutôt prolifique en matière de résultat et coûteuse pour les aigrefins? Ou bien, Dédé la science avait-il trouvé récemment quelques documents ou renseignements sensibles qui lui auraient coûté la vie? FLAMBERGE était bien déterminé à en savoir un peu plus en fouillant dans cette direction. Selon son petit personnel, il était soigné depuis quelques semaines pour des problèmes pulmonaires sévères liés à son intoxication au gaz moutarde trente sept ans plus tôt, et c’était des sœurs du couvent des Ursulines qui se relayaient habituellement pour lui faire ses piqûres. Soudain, l’homme à tout faire de Dédé la science se souvînt:

– Mais vous me faites repenser que la dernière bonne sœur qui est venue pour lui faire sa piqûre était une remplaçante que je n’avais jamais vu.

– Et de quoi avait-elle l’air cette bonne sœur ? Vous vous en souvenez?

– Ben, d’une bonne sœur normale: Blanche avec une cornette quoi. Quoique maintenant que vous m’en parlez, ma femme m’avait dit qu’elle la trouvait un peu trop maquillée pour une bonne sœur, en fait.

– Donc, vous m’avez dit qu’elle venait du couvent des Ursulines. On va enquêter par là, bien sûr, mais c’est un peu trop facile à mon goût. Ceci dit, j’ai déjà vu des pistes vaseuses déboucher sur du solide. Faut voir.

– En tout cas elle se revendiquait comme venant des ursulines, en prétendant s’appeler sœur Agnès et disait qu’elle avait été obligée de remplacer au pied levé, sœur Béatrice, celle qui venait le plus souvent. Au pied levé pour une bonne sœur, çà faisait drôle.

– Et les piqûres se faisaient sur quelle partie du corps?

– Ben comme d’habitude. En intramusculaire. Dans la fesse quoi !

– Et cette petite piqûre qu’il avait entre les doigts de pied gauche, çà vous dit quelque chose?

– Non, rien. Pourtant, je l’ai bien vu la faire dans la fesse, la piqûre. Et vous croyez que ce serait la bonne sœur qui…?

– J’en ai bien peur. Enfin, attendons quand même de voir comment va s’orienter l’enquête. Mais bon, après tout çà pourrait être un début de  piste. D’autant qu’une bonne sœur maquillée est aussi normale dans le décor qu’un ramoneur jouant du hérisson dans une cheminée, habillé en smoking.

Ni une, ni deux, FLAMBERGE chargeait aussitôt son fidèle doublard, qui d’inspecteur principal était devenu d’un coup le commissaire DUGARD, d’aller enquêter un peu sur cette piste avec son jeune stagiaire Freddy, tandis qu’il allait voir le nouveau médecin légiste arrivé trois mois plus tôt. Il était même arrivé la veille de ce fameux jour de la remise de légion d’honneur récompensant FLAMBERGE et son ex subalterne devenu chef de la police, LAPANOUILLE et promut l’inspecteur DUGARD     au rang de commissaire, pour leur maestria dans l’affaire de la mère Michel. Gracieuseté qui leur fut remise en mai – rappelons-le – par le président COTY en personne. Ce qui amena FLAMBERGE à constater tout guilleret:

– Tiens donc! À chaque fois qu’il m’arrive de l’inattendu, il me tombe un légiste sur le paletot. Cà pleut fort le légiste en ce moment. Vous ne trouvez pas ?

Le légiste souriant, avait justement du nouveau pour FLAMBERGE. La mort de Dédé la science avait bien pour origine une piqûre, mais pas seulement. Car celle trouvée par son divisionnaire entre les doigts de pied du vieillard, n’en était pas vraiment une, mais plutôt une morsure d’araignée. Et pas n’importe quelle petite bestiole…

– Dans l’ensemble, vous aviez assez bien anticipé l’origine de la mort de la victime d’entrée de jeu, monsieur le divisionnaire. Sa piqûre quotidienne a pu effectivement jouer un rôle dans sa mort, mais pour la marque entre les doigts de pied, là c’est plutôt une morsure d’araignée. De  veuve noire pour être plus précis, et le subtil cocktail devait être plutôt bien dosé en temps et en intensité pour produire un effet à retardement.

– A retardement ? Comment çà ?

– Eh bien voilà monsieur le divisionnaire. S’agissant en l’occurrence d’un homme d’un certain âge, gazé à l’ypérite de surcroit dans sa jeunesse et souffrant depuis, de lourdes séquelles pneumologiques, le traitement à l’atropine combiné avec un apport de venin peut parfaitement donner cet effet de mort lente à retardement. Du venin de veuve noire par exemple. Il s’agit en ce cas d’aranéisme libérant de l’alpha-latrotoxine, une substance quinze fois plus puissante que le venin de serpent à sonnette. Les principaux symptômes sont neurovégétatifs, auxquels s’ajoutent des céphalées, des spasmes musculaires, et des paresthésies visibles justement sur la plante des pieds comme ici. Au niveau psychologique çà se traduit par de l’anxiété, la crainte de mourir et des hallucinations. Les principales victimes de cette petite araignée de quinze millimètres portant la marque d’un sablier rouge sur le ventre, sont surtout les jeunes enfants, les personnes faibles et âgées. Quant au dosage, il doit être rigoureusement respecté en fréquence et en intensité, pour ces deux substances, qui doivent surtout être inoculés en alternance, avec des espaces de douze heures au minimum, sous risque d’arrêt cardiaque pouvant attirer l’attention. Là il semblerait, d’après l’aspect rigide des coronaires, que les deux produits aient pu lui avoir été inoculés dans des temps suffisants pour se complémenter sans créer d’alerte visible. C’est très subtil. L’ensemble occasionnant ainsi une attaque cardiaque, certes pas systématiquement mortelle, mais suffisamment épuisante pour réduire sa capacité de survie à brève échéance. Ajouter à cela une morsure de veuve noire combinée à une inoculation savamment dosée dans le temps, afin de ne pas attirer l’attention. A moins d’un hasard aussi inouï que malheureux, nous avons apparemment affaire à un crime à tout le moins calibré et ce sera à vous de déterminer ma marge d’erreur monsieur le divisionnaire. Le crime parfait quoi !

– Crime parfait ? Ouais ! enfin, on va voir çà. De toute façon, il nous faut tirer au clair cette affaire de remplacement de bonne sœur. Mais si je vous suis bien, il est fortement question d’un dosage très minutieux. Et ce serait de simples infirmières qui en décident ?

–      Non. En ce qui concerne le traitement proprement dit, ce genre de mixture se prépare en amont, auprès d’un apothicaire dument spécialisé dans la manipulation et le dosage de ce genre de médication, à l’infirmière ensuite de tenir compte des recommandations d’application en durée pour une amélioration notable de la santé du patient. Dans le cas d’un crime parfait avec l’intervention de notre amie l’araignée, la combinaison des deux est imparable. Il faut déjà bien s’y connaître en  veuve noire et en dosage pour combiner ces deux interactions, afin de respecter ce tempo, et ne pas laisser de trace.

–      Mais pour la morsure de l’araignée, vous avez une idée de  la date où elle a pu être faite ?

–      Tout au plus une journée avant le trépas. Et comme il n’a pas pu sortir les trois ou quatre jours précédant sa mort…

– Ce qui me chiffonne pour l’instant, c’est l’endroit de cette morsure d’araignée. Où a-t-il bien pu se faire çà et nu pied encore? A part chez lui je ne vois pas où. Mais alors, si c’est le cas, la bestiole doit encore être dans son appartement. Il faut qu’on mette la main dessus sans traîner et qu’on sache comment elle a atterri là. C’est que ce n’est pas courant par chez nous, çà la veuve noire, quand même. Au fait, çà vient d’où exactement, çà, la veuve noire ? D’Afrique ?

– Non monsieur le divisionnaire, çà vient d’Amérique du Nord, du Mexique, des îles Hawaii  et de Cuba. La bestiole mesure environ quinze millimètres. Un petit paquet ou un bouquet de fleur peuvent suffire à la cacher vu sa petite taille. En principe elle n’est pas agressive, mais certains produits permettent de la rendre dangereuse. On doit donc éviter, bien sûr, de marcher dessus au risque de se faire mordre, mais aussi de l’écraser, pour que je puisse déterminer quel type de substance aurait pu servir à la doper.

-Ben dites-donc, heureusement que la chambre du crime est déjà sous scellés judiciaires, sinon c’était l’hécatombe. Demain ou y fonce avec toute l’équipe cher docteur. Opération petite bête et attention où l’on met les pieds.

Restés en dégustation dans le couloir devant la fameuse cafetière géante surnommée : « MALONGO 54 », les deux hommes furent interrompus dans leur cogitation par l’arrivée du frais moulu commissaire DUGARD qui revenait du couvent des Ursulines avec le jeune Freddy l’élégant, devenu jeune élève inspecteur et fils spirituel de FLAMBERGE. C’était beau comme de l’antique, d’autant que l’administration reconnaissante avait finalement refilé à cet orphelin des rues, le nom de MICHEL qui avait servi de couverture aux services secrets durant seize ans.  Inspecteur Freddy MICHEL, pas de doute çà en jetait dans son ancien quartier ouvrier. Un demi-sel sans famille qui devient inspecteur de police et fils de commissaire divisionnaire : exemple à suivre !

–         Alors mon bon DUGARD, quoi de neuf au couvent ?

–      Ben, comme vous le pensiez chef. La bonne sœur n’en était pas vraiment une, mais plutôt une infirmière sollicitée par sœur Béatrice, qui l’a confirmé. Elle avait voulu éviter d’avoir à expliquer à la mère supérieure qu’elle avait dû se rendre d’urgence à Yvetot auprès de son frère très malade. L’infirmière et sœur Béatrice se connaissent bien pour avoir soigné ensemble des peuplades en Afrique à la fin de leurs études. Il faudra bien sûr vérifier, mais il m’étonnerait que l’infirmière ait quelque chose à voir avec cette affaire.

–      Comme vous dites, on vérifiera. Car enfin, une bonne sœur qui ment et une infirmière prête à se déguiser en bonne sœur pour sauver la mise à sa copine de classe, on verse dans la farce, là. Cà prêterait à sourire, s’il n’y avait pas eu mort d’homme. Mais il y a eu mort d’homme, justement.

–      Alors Freddy, on apprend le métier avec « tonton » DUGARD?

–      Oui patron, et avec le commissaire DUGARD, je sens que je progresse bien.

Et oui, ils avaient finalement décidé d’un commun accord que, bien que FREDDY soit devenu le fils spirituel de FLAMBERGE, il apparaissait plutôt rigolard de l’appeler papa devant les confrères. Ils s’étaient donc arrêtés sur l’idée de l’appellation « patron » plus habituelle et ayant pour étymologie celui de papa. Pas tronc, puisque la speakerine surnommée femme tronc n’en est pas moins femme et que l’homme entier et accompli n’est pas forcément tronc. Donc patron. Encore une digression ? Non, une simple réflexion qu’ils s’étaient faits pour lever un doute…

DUGARD piqua son fard comme un collégien. Et ce vicelard de FLAMBERGE en rajouta, bien sûr, une louche en prenant son air farceur des beaux jours.

–      Et oui, mon bon Freddy, prends-en de la graine. C’est de l’élevage de poulet de chez papa FLAMBERGE. Du costaud, du « pur grain » estampillé et qui ne s’épluche pas dans l’assiette.

Le légiste se marrait en tirant sur sa pipe comme pour prendre des forces avant de s’en aller vers son labo en tendant nonchalamment sa main vers FLAMBERGE qui finissait de se marrer de sa sortie.

–      Bon je vous quitte, j’ai du boulot sur la planche. On vient de m’apporter un nouveau cadavre à autopsier. Un académicien, ex journaliste à Paris-Normandie. Le cœur encore. A demain.

–      FLAMBERGE, maintenant la main qu’il venait de lui serrer en rabattant son autre main dessus, comme s’il voulait retenir encore un peu le légiste pour en savoir un peu plus :

–      Ah ! Oui, Je l’ai bien connu. C’était une vieille plume révoltée surnommée POUSTIQUET pour avoir géré le concours du même nom quelques mois et qui avait fini par ressembler à sa vedette moustachue à force d’en côtoyer le dessin. Cà, il est vrai que çà vous marque son homme. Et pourquoi une autopsie ? Ce n’était donc pas une mort naturelle ? Il n’aurait pas irrité un membre du club POUSTIQUET par hasard ?

–      Pour l’instant nous en sommes à un arrêt du cœur qui aurait pu être dû à son embonpoint, mais il avait aussi reçu des menaces et le juge d’instruction a ordonné une autopsie. Il a dû buter sur quelque chose dans le dossier.

–      Cà, le juge MARTIN, il a l’œil. Et encore une affaire qui s’avance pour vous mon bon DUGARD. Moi je vais continuer à enquêter sur celle du Dédé la science, je lui dois bien çà à mon pote.

– Bien patron. Pourvu que ces deux affaires ne se télescopent pas, comme c’est souvent le cas dans notre charmante petite ville.

 

UN CASSE TENANT PLUS QUE SES PROMESSES

Lors de l’enterrement en grande pompe de son vieux copain trois jours plus tôt, FLAMBERGE avait pris les coordonnées de toutes les personnes présentes qu’il ne connaissait pas. Commençant par ses chers neveux et nièces, il fit connaissance avec une partie cachée de la vie de Dédé la science. Bien qu’André ne fut pas officiellement fâché avec sa jeune sœur qui souffla ses dix bougies quand il revînt de la grande guerre et pour laquelle il se forçât à assister à son mariage dix ans plus tard pour ne pas déplaire à ses vieux parents vieillissants, il éprouvait une réelle allergie  à la vue de la prétention de son jeune beau-frère, militaire de carrière autant que cavalier d’opérette officiant au Cadre Noir de Saumur. Un godelureau trop jeune pour avoir connue les tranchées et la mitraille, mais se gargarisant pourtant des faits d’armes des poilus pour en attribuer tout le mérite à son « viandar » et général de père, le général MANGEDIN ayant envoyé ses hommes à la mort sur les mitrailleuses allemandes pour obtenir une étoile de plus. Leur médiocrité n’avait d’égale que leur soif de gloire avec le sang des autres. Dédé les avait en horreur et les très rares entrevues qu’il avait avec encore sa jeune sœur après la disparition de leurs parents se passaient chez lui, quand elle pouvait venir seule et à la sauvette à l’insu de son mari et de ses enfants.

C’est que cet anar avait mauvaise presse dans la belle famille de sa sœur. Une lignée de militaires ayant fourni plusieurs généraux à la grande Muette et même un colonel sous l’Empire. Elle ne pouvait donc admettre qu’un militaire fasse fi de ses médailles. Pensez donc, un homme issu de la petite bourgeoisie de province, ayant fait polytechnique, bien noté et même décoré militairement de surcroît, qui vire tout à coup révolté, sans trop qu’on sache pourquoi, rejetant toute cette belle hypocrisie séculaire servant de toile de fond à l’image de la famille idéalisée dans la droite ligne du sabre et du goupillon. Impensable et alors, quelle image affreuse de défaitiste pour ses neveux, que cette espèce de dévergondé. Ainsi, les chers neveux et nièces avaient-ils du tonton, une image tellement biaisée, qu’ils ne voyaient pas l’utilité de s’enquérir de son devenir. Jusqu’à ce funeste jour où leur père avait malencontreusement avalé son bulletin de naissance en même temps qu’un bout de barrière qui lui était resté en travers de la gorge, lors d’un concours d’équitation. Le seul champ d’honneur où ce colonel gagna des médailles et réussît finalement en tout et pour tout à faire valoir son seul exploit militaire à maintenir un uniforme d’apparat sur le dos d’un cheval sautant des obstacles. Enfin presque…

Ce malheureux accident était arrivé un an auparavant et la sœur d’André attendit la période de fin de deuil et le moment propice pour tenter de présenter le fameux tonton anar à sa lignée de culs serrés, enrégimentée par deux à trois décennies de bourrage de crane idéologique, sur fond de raisonnement jugulaire à la sauce militaire. Bien que Serge, l’aîné âgé de trente et un an soit apparemment devenu la copie conforme du papa et ses deux sœurs jumelles cadettes, celle de la maman, les rendant serviables et introverties, il s’avérait que le petit dernier nommé justement Désiré, comme l’un des prénoms de son oncle, ait aussi hérité par les gènes de sa mère, de certaines particularités personnelles tant reprochées au tonton libertaire. Désiré venait d’avoir vingt ans. C’était un poète rêveur et il était plutôt doué de ses mains. Un de ces artistes comme les haïssaient son père et le père de ce dernier. Alors que ses frères et sœurs étaient plutôt restés réservés et circonspectes vis à vis de ce nouveau tonton insolite, le plus jeune s’était tout naturellement entiché de ce vieil oncle espiègle de soixante quatorze ans qui ne jurait plus que part lui. Les quelques mois où ils avaient pu se connaître et s’apprécier enfin avaient comblé d’un coup ce fossé qui avait séparé Dédé de sa jeune famille, depuis plus de trente cinq ans. Dédé avait même obtenu de sa sœur, la permission d’emmener ce jeune neveu avec lui en vacances chez son copain FLAMBERGE. Cette attirance de leur jeune frère pour  cet étrange tonton avait même amené les trois autres enfants de la sœur de Dédé la Science à se laisser pendre à leur tour à son charme communicatif, au grand dam de leur grand père paternel devenu une vieille barbe de général en retraite jouant aux soldats de plomb, à près de quatre-vingt ans. Quelques mois idylliques faits de multiples joies qui trouvèrent malheureusement leur fin avec le décès brutal de ce fameux tonton.

L’aîné des quatre enfants, Serge, était entré au ministère de la Défense à Paris cinq ans plus tôt, sur recommandation d’un ami de son père. Serge avait confié ses doutes à son oncle André, alias Dédé la Science, sur ses doutes quant à la réalité accidentelle de la mort de son père. Il s’en confia d’autant plus facilement peu après à FLAMBERGE qui venait de le convoquer au centrale de Rouen, confirmant qu’après la mort suspecte de son oncle, il craignait, lui aussi, pour la sienne et celle de la famille.  C’était comme un cadeau du ciel pour le commissaire, qui voyait chaque nouvelle présentation déballer son lot d’informations.

–      Mais qui peut bien vous amener à penser que l’accident mortel de votre père n’en serait pas vraiment un ?

–  Bien que je n’en sois pas vraiment sûr, je constate que depuis que j’ai surpris mon père hurler contre un interlocuteur anonyme au téléphone à la maison, le jour où j’étais venu présenter ma future fiancée à ma mère, il se passe de drôles de choses. Mon père m’avait rassuré en raccrochant le téléphone, mais le ton qu’avait la conversation n’avait rien de très amical. Il ne savait pas que je l’avais entendu dire : « Et laissez ma famille en dehors de çà, sinon… ». Je suis donc soucieux pour ma famille. D’autant que je m’étais confié une semaine avant sa mort à mon oncle André sur cette étrange conversation téléphonique. Puis il y eu cette effraction dans le bureau de mon père trois jours avant sa mort, et voilà qu’à son tour mon oncle trépasse dans des  circonstances si douteuses qu’elles vous amènent à douter et à faire pratiquer une autopsie

–  Oui, effectivement c’est un curieux concours de circonstances. Une effraction dans le bureau de votre père, dites-vous ? Et ce cher André qui était mon ami, avait souhaité, de son côté, me voir d’urgence pour un problème de la plus haute importance, mais pour  l’instant je n’en sais pas plus sur cette affaire. Vous aviez pensé à noter  le jour et l’heure à laquelle vous avez surpris votre père se disputer au téléphone avec un interlocuteur ?

–   Oui bien sûr, j’avais noté précisément l’heure et le jour, vous pensez. C’était le 5 septembre 1953 à 11H03 très exactement et son accident de parcours supposé a eu lieu exactement huit jours plus tard, soit le 13 septembre à 15H00. J’en m’en étais ouvert à l’adjudant de gendarmerie chargé de l’enquête sur « l’accident », qui s’est empressé de mettre mon récit sur le coup de l’émotion. Pour lui, la mort de mon père n’était due qu’à un accident et la discussion ayant eu lieu par téléphone une semaine plus tôt n’avait aucun rapport.

–   Et il vous a contacté depuis, pour vous confirmer son point de vue ?

–  Jamais ! Je pense qu’il m’a pris pour un paranoïaque.

–   La moindre des choses aurait été déjà qu’il vérifie auprès des télécommunications. Vous pourriez me donnez ses coordonnées et le numéro de téléphone où votre père a été contacté?

–   Oui bien sûr monsieur le commissaire. C’est l’adjudant LESCURE de la brigade de gendarmerie de Bois-Guillaume, le concours hippique s’étant déroulé sur cette commune. Un homme pas très aimable et plutôt butté du genre jugulaire, jugulaire. Pour le numéro de téléphone je vous donne la carte de visite de mes parents.

–   Je vais tenter d’en savoir un peu plus, ne serait-ce que de réussir à retrouver l’identité de l’interlocuteur de votre père. J’espère seulement que l’adjudant en question n’a pas clos le dossier sans avoir fait préalablement des recherches en ce sens et je vous teins au courant S’il vous revenait quelque chose, même qui vous apparaisse anodin, n’hésitez pas à me contacter. Je vous rappelle que bien que je sois le commissaire chargé de cette affaire, j’étais aussi un grand ami de votre oncle qui était un homme bien ayant souffert de la guerre.

–   Bien sûr monsieur le commissaire, je n’y manquerai pas. Je vous remercie pour votre recherche et pour veiller au respect de la mémoire de mon oncle, que je n’ai malheureusement pas eu la chance de ne connaître guère plus que quelques mois. Le peu que j’en ai vu m’a, là aussi, étonné en bien. Dommage qu’il soit mort, lui aussi, car ma mère se remettait de son deuil en appréciant de nous voir découvrir l’humanité et la sensibilité de son unique frère. Dire qu’on nous l’avait toujours dépeint dans la famille, comme inconstant et plutôt atrabilaire, alors que sa personnalité était aux antipodes de ces travers. Quant à mon père, paix à son âme, mais je pense maintenant qu’il a eu tord de rejeter notre oncle. Et quel dommage que tout çà ne ce soit réglé bien avant que n’aient lieu tous ces malheurs.

–  Je suis heureux d’avoir pu constater combien ce cher André a vite été réhabilité aux yeux de votre famille et je suis sûr qu’ensemble nous allons pouvoir découvrir le fin mot de cette affaire, pour la paix des âmes de vos défunts et la sérénité à brève échéance de votre famille qui en a tant besoin. Comptez sur moi et n’hésitez surtout pas à me joindre à tout moment, y compris chez-moi. Tenez, voici mon numéro de téléphone personnel.

Après avoir contacté le juge d’instruction FALQUIET par l’entremise de son ami le chef de la police LAPANOUILLE, pour obtenir une autorisation de vérification des appels téléphoniques, FLAMBERGE se rendit au domicile de Dédé la Science. Dans cette recherche de la petite bête, il entraîna son subalterne, le commissaire DUGARD, son nouveau légiste Norbert DUFLANT (avec un T, comme il tenait toujours à préciser) et ses fidèles inspecteurs BOURLAFIOLE, FLANCHARD  et TRALMOINZE pour tenter de mettre la main sur la veuve noire qui devait encore s’y trouver, et voir par la même occasion si un indice quelconque n’aurait pas été laissé à FLAMBERGE par son ami, comme c’était dans leur habitude. Pour la bébête ils n’eurent pas à chercher longtemps car la vilaine était sortie de la chambre de Dédé la Science et devait sûrement rechercher quelques mouches à dévorer. Charles, le loufiat chauffeur de Dédé, l’ayant confondu avec un vulgaire cafard, l’avait éclatée d’un coup de talon sur le parquet. S’excusant de ce réflexe malencontreux, il pensa néanmoins à laisser l’objet de sa bévue ancillaire sur le parquet, non sans avoir prévenu sa femme pour qu’elle ne l’aspire pas avec son aspirateur. Le légiste s’empressa d’en ramasser les morceaux et de les placer dans une de ses boites en plastique.

Pendant ce temps, FLAMBERGE s’empressa de jeter son œil affûté sur toutes les sortes de notes laissées par son ami, allant de la liste des commissions, aux pronostics de chevaux ou encore une ruse à appliquer au jeu d’échecs, il aperçu un drôle de papier plié en une vingtaine de façons différentes comme pour imiter les pétales d’une rose géante, laquelle fut collée de façon…

A suivre.